Ces extraits de conversations avec PAVITRA relate la guidance de Sri Aurobindo dans le travail intérieur qu’effectua Pavitra au cours de ses méditations.
Lundi 18 janvier 1926
Je suis parvenu à conserver mon mental absolument vide de pensées pendant quelques minutes. Toutes les vagues sont arrêtées. Mais ma conscience est cependant toujours
Fixée au plan physique, ainsi, j'entends et je perçois, bien que les perceptions n'éveillent aucune pensée. Cependant j'ai eu plusieurs fois la sensation d'être sur le point de passer au-delà; ma respiration est devenue très difficile et tout tourbillonnait bien que ma conscience restât calme et attentive. Si j'avais pu arrêter ma respiration, j'aurais certainement changé de conscience.
Il s'agit de quitter le corps physique. Mais ce n'est pas à rechercher pour le moment : il faut d'abord avoir obtenu plus de contrôle (savoir par exemple se diriger au-delà) et il faut aussi d'autres conditions — par exemple, être sûr de ne pas être dérangé. Naturellement, c'est ce que les Yogi cherchent et s'efforcent d'atteindre. Tout le monde ne peut pas le faire. À mon avis, il ne faut pas chercher actuellement cet état — par exemple, en respirant convenablement.
Non, vous avez touché à l'état de parfait silence. Élargissez-le; cela ne veut pas dire l'approfondir. Mais faites-le durer stablement plus longtemps et faites-le enclore peu à peu ce qui vous entoure.
Vendredi 5 février 1926
Ces derniers jours ont été meilleurs — la concentration plus facile et le détachement du mental plus aisé. Je peux me séparer du mental et observer son action. Mais lorsque j'essaie de le rendre absolument mort, alors je ne peux y arriver qu'en me concentrant près de Sahasrâra, tachant de me séparer du corps, et la respiration devient difficile.
Il y a deux façons d'avoir conscience d'un monde supérieur. L'une est d'y envoyer une partie de soi-même, tout en restant dans sa conscience physique. L'autre est de quitter cette conscience physique et d'entrer dans une espèce de transe, qui peut toucher à la catalepsie et au coma. Vous n'êtes pas dans les conditions à essayer cela. Et, probablement, il y a en vous confusion entre deux mouvements : l'un, de calmer le mental, et l'autre, de sortir de votre corps physique.
C'est probable. Lorsque je médite, j'ai conscience de certains mouvements que je place dans mon corps vital. Ils ne sont pas physiques bien que je les sente physiquement, spécialement entre la poitrine et la tête, et dans la tête.
Il y a des mouvements dans le corps supérieur et ils se ressentent même physiquement. Mais la plupart doivent résulter (comme votre gêne respiratoire en est la preuve) d'un effort pour sortir de votre corps physique. Ils ne sont pas nécessaires. Vous pouvez simplement percevoir le déplacement de la conscience d'un point à un autre.
Maintenant que vous pouvez constater le calme du mental et vous séparer de l'action du mental lié au physique, il faut quitter ces efforts et rester dans l'attitude expectative, ouverte à l'action d'en haut —sans faire effort pour aller vers cet en-haut, mais, sachant qu'il est là, vous offrir à sa descente. Ne faites même pas effort pour "voir" ou "percevoir". Calmez le bas et attendez — faites une simple aspiration vers ce que vous savez proche.
Jeudi 11 février 1926
J 'ai dû, en effet, confondre deux mouvements : calmer mon mental dynamique et sortir de mon corps. En conséquence, j'ai eu à retravailler de nouveau pour obtenir le silence mental.
Je peux l'obtenir, quoique pas toujours car le mental dynamique est très actif, et je suis toujours obligé de le surveiller. J'arrive aussi à une paix relative.
Je suis immobile, attentif, dans une espèce de milieu transparent. Mais ce n'est jamais de bien longue durée. C'est une autre paix, plus profonde, que je désire atteindre, celle qui détruira le sentiment du moi.
Une difficulté vient d'essayer, à la fois, de maintenir le mental silencieux et de regarder au-delà, défaire cette offrande silencieuse et attentive.
Ces jours derniers, j'ai un peu trop forcé la méditation et la tension a été trop grande. Je suis revenu à 3h. par jour. Neuralgie dentaire. Pourquoi ce sens de l'effort personnel est-il si pénible? Ce n'est pas l'inertie et le repos que je cherche, mais la paix dans l'action, la cessation de l'effort individuel.
Dans la mesure où
D'ailleurs, d'autres difficultés viendront encore. Vos centres actifs sont les centres supérieurs au plexus solaire: les autres dorment. Lors de leur éveil, le mental, même calmé et maîtrisé, sera de nouveau envahi et submergé. Les réelles difficultés viennent alors — dans le mental il y a toujours un élément qui aide, mais ici, tout est directement lié à la vie et à l'action.
Puisque vous éprouvez la possibilité de vous unir à la nature par le plexus solaire, faites-le en dehors de la méditation régulière.
Vous dites aussi que tout ce que vous faites en dehors de la méditation semble ranimer votre mental. Cela n'a pas d'importance — vous ne pouvez pas ne rien faire. Il faut du temps à tout. Et vous êtes de ceux qui ont tout reposé sur le mental — de là la difficulté. D'autres s'ouvrent facilement. Mais ne soyez pas impatient, cela prolonge le sens de l'effort personnel.
Lundi 15 février 1926
L'effet de la sâdhanâ se fait sentir surtout en dehors de la méditation. Il m'est de plus en plus facile d'assumer le rôle de témoin des actions du mental et même du corps. Il en résulte plus de calme, mais le mental n'est pas encore silencieux. Cette séparation m'a rendu conscient du chaos désordonné du mental dynamique, et ainsi, au début, j'ai cru qu'il devenait plus actif, alors que j'étais simplement conscient de son action.
L'essentiel est justement d'approfondir et d'augmenter cette conscience-témoin (witness) ou "Purusha consciousness". Le silence du mental est certes une faculté précieuse; mais elle viendra en son temps. L'élargissement de cette conscience amènera le déversement d'une conscience plus profonde. D'ailleurs, ce témoin n'est-il pas silencieux?
Lundi 24 mai 1926
Mon corps se ressent de la chaleur. Ces temps-ci j'étais fatigué. Aussi j’ai fait mes méditations couché. Y a-t-il un inconvénient à cela?
Vous pouvez méditer dans n'importe quelle position. Je médite souvent en marchant.
Vous avez parlé de sortir "en corps vital" et en corps mental". Que veut dire cette dernière expression?
Lorsque le corps vital quitte le physique, celui-ci reste en transe, mais si c'est seulement le mental, il n'en est pas ainsi. Le mental sort, par exemple, dans la méditation, et va visiter certains endroits ou certains plans. Il peut y observer et même s'y faire sentir. Ce n'est même pas tout le mental qui part ainsi, mais une portion centrale pour ainsi dire. Il n'y a pas les dangers de la transe. Si l'on vous réveille, le mental revient de suite sans danger. Il n'en est pas de même si le vital lui-même est parti. Un lien le relie au physique. Comme il est la vie, si ce fil est coupé, c'est la mort. Un rappel brusque est aussi dangereux.
En général, il vaut mieux acquérir une certaine expérience de la sortie en mental et une connaissance mentale des plans avant de tenter la sortie en corps vital.
Ainsi, dans ce yoga, la sortie en corps mental précède celle en corps vital?
Oui, mais toutes deux sont encore subordonnées à l'expérience spirituelle, qui est beaucoup plus importante.
Je comprends que l'expérience spirituelle est fondamentale et que le reste est nécessaire simplement parce que la perfection doit atteindre tous les plans.
Lundi 31 mai 1926
Ma méditation devient plus profonde et plus détachée du monde extérieur. À certains moments, j'arrive à me regarder penser. La pensée ne m'apparaît pas encore comme extérieure; mais je puis néanmoins prendre cette activité comme objet. J'ai aussi bien conscience que la pensée est une activité toute superficielle et qu'elle n'affecte pas les couches profondes de mon être, mais reste en surface.
Lorsque la méditation devient profonde, mes pieds me font mal.
Quelle espèce de sensation avez-vous?
À la fois comme une pression et comme un arrachement. Peut-être est-ce le corps vital qui remonte pour se séparer?
Ce peut être cela, ou bien c'est une modification qui se produit généralement
lorsque la force divine transforme peu à peu même la substance physique. Cette substance est impure et ne peut recevoir l'impulsion sans une transformation préalable.
Est-ce la matière physique elle-même qui change, ou la vie de cette matière?
Il s'agit d'une modification cellulaire qui réside surtout dans les parties vitales et mentales des cellules; mais même la matière physique y participe.
Dans mes méditations, il y a plusieurs attitudes intérieures que je peux prendre et chacune engendre certains courants vitaux.
Quelles attitudes, par exemple?
Je peux essayer de prendre la position de témoin de l'activité mentale; je peux tacher de monter le plus haut et m'accrocher à la position la plus élevée de mon être. Je peux appeler
C'est la région de l'être psychique qui est derrière le "cœur" (plexus solaire). C'est là un des centres occultes et c'est celui qui dirige l'homme ordinaire. Il faut aussi que vous deveniez conscient dans celui au-dessus de la tête, d'où l'être central dirige tout.
Mais tous ces courants ne sont-ils pas contradictoires? Je les engendre aveuglément sans savoir leurs effets. Lesquelles de ces attitudes sont bonnes?
Toutes. Tout cela est bien. Il faut seulement surveiller ce qui se passe. Le centre solaire et celui de la tête doivent coopérer à la parfaite maîtrise des instruments. Chacun a son rôle.
Faut-il - arriver à tenir cette attitude de témoin des changements mentaux dans toutes les circonstances de la vie ordinaire? Actuellement, je ne peux faire dans ces conditions que des activités peu importantes, semi-automatiques. Dès qu'une certaine attention est nécessaire, je me perds de nouveau dans l'action.
Mais ce n'est pas indispensable. C'est une question d'habitude. Vous n'avez pas encore vaincu l'illusion qui voit en vous l'acteur. Naturellement, cette attitude de témoin est nécessaire, c'est un premier pas. Toutes les parties du mental peuvent ainsi être rendues automatiques. Et, de haut, on les surveille; on peut les arrêter ou les modifier.
C'est alors une parfaite maîtrise des instruments. Mais chez moi, cette activité automatique n'est pas encore assez développée, et je ne peux lui confier que des tâches peu importantes. Bien qu'il y ait déjà un progrès à ce sujet.
Lundi 7 juin 1926
Il y a des cycles dans la méditation : des périodes bonnes et d'autres où elle est plus difficile. Actuellement, je peux assez bien calmer le mental, me détacher de lui et chercher à pénétrer dans une région que je sens au-dessus de lui. Mon mental m'apparaît maintenant comme une petite portion de mon être réel. Mais il y a au-dessus de moi comme un voile qui ne veut pas céder et qui m'empêche de passer. Et lorsque j'arrive ainsi à calmer le mental et à chercher à percer, je suis conscient d'une douleur, ou plutôt d'une sensation, dans les pieds et les
Il y a dans votre conscience physique des parties qui vous retiennent. Vous pouvez en être conscient ou non. Mais lorsque vous cherchez à percer le voile, elles vous retiennent. Vous n'êtes pas prêt. Aussi est-il nécessaire que
C'est donc prendre une attitude passive et ne pas chercher à centrer ma conscience en haut.
Le but naturellement est de vous élever au-dessus du mental, mais
Quelle est la différence entre "the psychic being" (l'être psychique) derrière le centre du cœur et " the central being" (être central) au-dessus de la tête? Sont-ils deux, ou un seul être ?
Naturellement, à un point de vue, ils sont un. Mais votre être, bien qu'un, est composé de bien des êtres distincts. Tout comme votre être mental diffère du physique et du vital, de même l'être psychique, l'âme, diffère de l'être central.
L'être psychique est le transmetteur qui reçoit la lumière et la transmet à la personnalité inférieure. C'est lui qui se tient en arrière et dirige la personnalité. L'être psychique est en communication directe avec la vérité, qu'il organise et transmet à l'être extérieur. L'être central ne peut organiser la vérité : il est au-dessus de toute évolution. C'est le psychique qui se développe spirituellement grâce aux différentes personnalités.
C'est donc l'être central qui est au-dessus de l'espace et du temps et qui est derrière ce qui évolue grâce aux personnalités successives?
Oui. L'être psychique n'est que l'âme qui se développe; il tient et prépare la personnalité. L'être central n'a pas une action directe :
il préside et surveille.
GUIDANCE DE SRI AUROBINDO
LE YOGA DE LA BHAGAVAD-GÎTÂ